Elles sont quatre artisanes, spécialisées dans la fabrication de la poterie de Sejnane, qui se sont déplacées depuis leur village, pour participer à la foire de l’artisanat, tenue du 13 au 17 novembre 2019 au Centre culturel et sportif de la jeunesse d’El Menzah VI. Des artisanes, dont les mains rêches et noircies par le travail manuel, en disent long sur la rudesse de leur métier, de leur passion, de leur gagne-pain. Elles sont venues à Tunis, grâce à l’appui de l’Association citoyenne pour la démocratie participative, laquelle leur a assuré, durant ce séjour, un logement et une alimentation gratuits.
Mme Sonia Louati, vice-présidente de ladite association, s’active afin de venir en aide aux artisanes et leur ouvrir les voies d’une meilleure visibilité aussi bien au niveau national qu’à l’échelle internationale. «Nous partirons demain, indique-t-elle en ce jeudi 14 novembre 2019, pour la Pologne afin de participer à un salon international de l’artisanat, et ce, en collaboration avec le Centre de développement et de solidarité internationale pour la culture. Notre objectif, depuis les événements du 14 janvier 2011, consiste à soutenir les artisanes de Sejnane et de les aider à mieux s’imposer en tant que vectrices incontournables au développement dans ce village mais aussi en tant que garantes de la pérennité de ce métier unique au monde».
Prenant place, chacune, à côté de son stand, les artisanes s’impatientent de voir arriver des visiteurs séduits par leurs produits. En tant que fines connaisseuses en le mérite de la poterie qu’elles fabriquent et qu’elles façonnent avec passion, elles n’attendent qu’à voir leurs produits estimés à juste véritable valeur.
Le parcours des combattantes…
Hadda Saïdani a vu le jour en appréciant le travail dans lequel s’acharnait sa mère. A l’âge de quatorze printemps, cette femme, d’un certain âge, s’adonnait, déjà à ce métier. «Pour proposer ces produits, tout un processus est à mener avec patience. C’est à dos d’âne que je me déplace vers la montagne, empruntant des trajets périlleux, pour m’approvisionner en matière première : l’argile verte. Une fois l’argile séchée au soleil, j’use d’une hache afin de briser les pierres jusqu’à ce qu’elles soient réduites en petits morceaux. Ces morceaux sont par la suite trempés dans l’eau, réduits en pâte, laquelle est tamisée puis piétinée à volonté afin d’obtenir la pâte d’argile, nécessaire au façonnage des ustensiles de cuisine et des bibelots», explique Hadda, méthodique et fière de son savoir-faire.
Les vœux légitimes de Monia
Contrairement aux autres poteries, celles de Sejnane sont réputées pour être exceptionnelles, car totalement bio. Hadda indique que le polissage de la poterie se fait via l’utilisation des algues. Les fourneaux sont alimentés par les déchets des bovins. Même les couleurs utilisées pour décorer les objets en poterie de Sejnane sont extraites de plantes autochtones, cueillies dans la forêt. «La poterie traditionnelle de Sejnane est celle de couleur beige. Nous avons introduit une autre couleur, tout aussi naturelle, qui est le gris charbon métallisé. Là encore, aucun produit chimique n’est intégré dans notre poterie inégalée. Cette couleur, indique Monia Mechergui, jeune artisane, revient à une technique simple mais intelligente. Il suffit, en effet, de faire sortir le modèle du four et de le couvrir immédiatement de pailles pour obtenir ce gris élégant et luisant». Des ustensiles de cuisine, notamment des plateaux à four ronds, des bouteilles pour conserver l’huile, mais aussi des bibelots sous forme d’animaux, de vases et autres créations sont étalés au regard émerveillé du visiteur. «Nous peinons à produire la poterie de Sejnane dont nous sommes fières. Cependant, nous sommes dans le besoin de mesures d’encouragement et d’appui afin de développer davantage notre métier, de séduire les jeunes et de les convaincre de perpétuer ce savoir-faire ancestral. Personnellement, je souhaite vivement voir mon village converti en une destination reconnue à l’échelle internationale et de voir des étrangers venir jusqu’à nous pour faire l’acquisition de notre poterie. Je souhaite également que l’on instaure un Groupement professionnel où nous pourrions, toutes, travailler ensemble», souligne Monia : des vœux légitimes pour un produit classé sur la liste du patrimoine mondial de l’Unesco. Cela dit, l’Association citoyenne pour la démocratie participative a su interpeller les artisanes et les inciter à créer leur propre association, laquelle est baptisée Association «Zahwa» des potières de Sejnane.
Néanmoins, beaucoup reste à faire afin de vulgariser au mieux l’information de ce produit unique en son genre, d’assurer la pérennité de ce métier mais aussi —voire surtout— d’améliorer les revenus et les conditions de vie des artisanes qui vivent, pour la plupart d’entre elles, dans la précarité. Leurs produits représentent la finalité d’un processus épineux et épuisant. Ils sont vendus, pourtant, à des prix dérisoires. Le bibelot le plus cher n’excède pas les 35dt…
Crédit Photo © Koutheir Khanchouch